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Saint Pétersbourg - Chronique d'une solitude annoncée - Jour 4

Jeudi.

C’est la journée la plus froide, négatif toute la journée – pas moins dix, faut pas exagérer – mais un beau soleil en contrepartie. Et ceux qui ont froid n’auront qu’à prendre un café dans un des arrières de voiture où est installé tout le matériel, machine à expresso…

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Mon itinéraire du jour est déjà prêt, et mes pas le connaissent, rien de nouveau, juste visiter ce que je n’ai vu que de l’extérieur. Et mes pas libèrent ma tête, l’atmosphère de la ville me gagne, aurais-je pris l’âme slave ? Une forme de mélancolie joyeuse me porte à la méditation, il fallait bien que j’y vienne à cette méditation sur l’amour qui a été mon point de départ. Elle accompagne ma journée pour se livrer à la fin, vous pourrez vous arrêter avant, au choix, je ne suis pas Stendhal !

 

Devant la cathédrale Saint-Isaac, un modeste sapin de Noël illuminé la nuit, rien à voir avec les débordements de décorations, de lumières, de scintillements de Moscou, Saint-Pétersbourg est plus discrète et je ne vais pas m’en plaindre. Et, enfin, j’entre dans ce monument exceptionnel, un énorme cube de granit de cent mètres de hauteur-largeur-longueur, des colonnes de dix-sept mètres à l’intérieur. L’idée d’une église Saint-Isaac est ancienne à Pétersbourg, Pierre le Grand, fondateur de la ville, est né le 30 mai, le jour de la Saint Isaac. Une première église en bois est édifiée, puis une seconde plus solide au bord de la Neva (à l’emplacement du cavalier de bronze) mais elle s’effondre à cause du sol, puis une troisième à l’emplacement actuel, mais au début du XIXème, Alexandre 1er considère qu’elle n’est pas assez grande pour l’importance de la ville, il la fait totalement reconstruire en confiant le chantier à un architecte français Auguste Ricard de Montferrand. Une telle construction est un cas unique au XIXème vu l’ampleur et la rapidité des travaux. Solidement armée par des fondations de pierre de sept mètres de profondeur, elle repose sur vingt-quatre mille pilotis en bois. Fermée en 1928 par les autorités communistes, puis transformée en musée de l’athéisme, elle souffre des bombardements de la seconde guerre mondiale et du manque d’entretien. Depuis les années 2000, elle est totalement remise en état et la décoration intérieure reconstituée. Ensuite vous montez à la colonnade par un escalier étroit pour découvrir la ville.

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Un des projets de ma journée est de trouver une poste. J’ai déjà essayé dans mon quartier il y a deux jours, un bureau indiqué sur Google Maps, il n’y avait plus qu’une boite à lettres ; même chose ce matin, une poste indiquée près de Saint-Isaac, rien !!! J’essaie toujours d’envoyer des cartes postales à mes petits-enfants et à mon grand garçon, et cette habitude épistolaire à laquelle je tiens me fait souvent passer beaucoup de temps en recherche, et en amusements… Je prends la perspective Nevski, sur cette grande avenue, je devrais pouvoir trouver quelque chose, ou au moins quelqu’un pour me renseigner. J’entre dans une boutique de téléphonie, Iphone 11 à l’intérieur, un univers clinquant. Je tente d’expliquer en anglais à la vendeuse, elle ne comprend pas ce que je veux, je lui montre mes cartes, elle appelle son collègue, je leur montre l’emplacement du timbre, je ne saurai jamais s’ils ne savent pas ce qu’est une carte postale avec un timbre, ou s’ils ne savent pas où les acheter, leur anglais reste sommaire. Deuxième tentative, fructueuse, une librairie-papeterie où deux jeunes filles charmantes me pointent précisément le bureau de poste le plus proche, la rue juste avant Notre-Dame de Kazan, elles insistent pour me répéter, pour que je ne me perde pas. Bingo. J’en profiterai pour voir l’église au retour. Arrivée au bureau de poste – j’avais pris soin de leur demander la couleur du courrier en Russie, c’est bleu, elles me montrent l’insigne – j’entre puis m’aperçois que les personnes qui attendent ont un numéro. Je vais à la borne, perplexe, toute une série de choix, en russe… Je vois une jeune fille entrée juste avant moi, lui demande si elle parle anglais, elle vient à mon secours, me donne mon ticket. Le temps de l’attente dure, j’ai le temps d’acheter la carte qui me manquait, d’écrire mes trois cartes, les adresses, et d’attendre encore. Enfin j’ai mes timbres, je glisse mes cartes dans la boite bleue. Une bonne chose de faite. Au passage, inutile je suppose de faire remarquer que l’anglais est indispensable pour se débrouiller ici ; on peut certainement trouver des Russes parlant français, il y en a beaucoup, mais dans la vie courante, si vous ne parlez pas russe, l’anglais courant s’impose !

 

Retour vers Notre-Dame de Kazan sur le passage. Impossible de ne pas la remarquer, j’étais déjà passée devant hier, elle ne fait pas dans la demi-mesure, un immense arc de cercle, un dôme, l’intérieur est plus austère mais la taille de la cathédrale fait un choc.

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Pause déjeuner dans un petit bistrot. Vous aurez remarqué que je ne parle pas de repas, cela ne doit pas être ma motivation durant ce séjour, et à part le premier soir où j’ai diné dans un restaurant près de l’hôtel et ai parlé longuement avec un serveur parlant un français parfait, et mon déjeuner avec Tatiana où elle m’a fait découvrir la cuisine géorgienne et tant d’habitudes pétersbourgeoises, je n’ai pas grand-chose à dire sur mes repas. L’intérêt de voyager fin janvier, c’est que le tourisme est réduit ; je vois quand même beaucoup d’Asiatiques, ne sachant pas où les situer ; elle m’explique que ce sont des Chinois, les Chinois adorent la ville, et l’été cela pose problème, pendant leurs vacances les Russes n’ont plus accès aux monuments tellement le tourisme chinois est massif !

 

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J’entame la deuxième partie de mon programme. D’abord l’église du Sauveur-sur-le-sang-versé, cette église orthodoxe traditionnelle avec ses bulbes colorés. L’intérieur est une débauche de couleurs et de dorures, les yeux ne se lassent pas. Un grand dais marque l’emplacement où Alexandre II a été assassiné en 1881, ce qui a donné le nom à cette église depuis cette époque. La plus richement décorée de la ville, elle a aussi beaucoup souffert de la négligence soviétique. Depuis 1970, d’énormes travaux de restauration ont permis de remettre en état les somptueuses mosaïques.

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Je termine par le musée russe. Bon, pas facile de trouver l’entrée. Je décide d’entrer directement par le palais MikhaÏlovsky plutôt que par l’aile Benois. J’arrive devant le palais, je suis ce qui est indiqué comme entrée, rien, je vais à droite, une toute petite porte, à gauche, rien, je reviens à la petite porte de droite et vois une personne entrer, c’est bien l’entrée ! Mais la recherche n’est pas finie, pour laisser mon manteau, compliqué, une vieille dame m’accompagne, puis m’indique la direction pour prendre le billet ! Plus simple, tu ne trouves pas.

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La collection vaut le déplacement, notamment les collections du XIXème et du XXème. Je m’arrête dans la salle des Malevitch que j’aime particulièrement, et là, surprise, je me plante devant le carré rouge pour voir qu’il n’est pas carré !

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Je reprends le chemin de la sortie, une belle surprise, une œuvre contemporaine avec la Dame à la Licorne.

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Puis je dois refaire tout le chemin en sens inverse, retrouver les couloirs de vestiaires, et reprendre mon chemin, suivre le canal, l’église du Sauveur-sur-le-sang-versé et le Musée Russe sont sur le bord de mon canal. 

 

Je n’ai qu’à suivre le canal, début de crépuscule propice à la méditation.

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Et je reviens sur ce rejet que j’ai ressenti si violemment depuis quelque temps. À part râler sur l’injustice, cette sensation ne me sert à rien et ne me fait pas avancer. Je dois revenir au fond, l’amour, ce sentiment si difficile à cerner et à dire. L’amour se donne et se reçoit inconditionnellement, personne ne peut le reprendre ni revenir en arrière. Ce qui est donné, ce qui est reçu est là, et reste, au plus profond. S’il ne reste rien, si un être aimant/aimé se lasse vite après s’être enflammé et déclaré, c’est que ce n’était pas vraiment de l’amour, un sentiment d’affection, une attirance, les mots peuvent tromper, et à des mots faux je préfère opposer le silence. Une relation conjugale longue peut continuer à être amoureuse ou devenir une relation d’amitié dans laquelle les sentiments ont changé, et l’attirance physique a diminué ; elle peut aussi, et en même temps, devenir une relation déséquilibrée, impossible à vivre quand le contrat n’est pas respecté. J’ai préféré y mettre fin, bousculant l’équilibre familial. L’amitié et le respect restent, ainsi que le soutien familial, mais pour nos enfants, même adultes, c’est moins facile. Tous ne réagissent pas aussi durement, heureusement pour moi. Mais est-ce la raison pour laquelle j’ai subi trois attaques violentes depuis la séparation, comme si en « reprenant ma liberté », je donnais un modèle qui n’est pas convenable ? Avec ses enfants, comment montrer l’amour, le dire quand ils sont adultes et que la pudeur a pris la place de l’expansion facile de l’enfance ? Comment construire un amour réciproque dans le respect mutuel, l’acceptation de chacun·e tel qu’il ou elle est ? Hélas, depuis une vingtaine d’années, la mère est devenue pour ses filles un repoussoir facile, la première et facile grille explicative du mal-être, le support de toutes les culpabilisations. À qui la faute ? À des courants psychologiques divers… Je garde de mon adolescence et de ma vie de jeune femme des factures et des fragilités que j’ai cherché à expliquer, y compris dans l’éducation reçue de mes parents, mais sans jamais attaquer ma mère déjà veuve. Une autre époque. Peut-être n’est-il pas facile avant un âge plus sage de comprendre que chacun fait ce qu’il peut de sa vie, avec ce qu’il a reçu, ce qui lui a été donné, et c’est déjà beaucoup ! L’amour maternel, l’amour filial, ne peut pas se défaire, il résiste, on peut vouloir s’en éloigner, il est là, il dure, et bien après la mort. Quant à l’amour pour un être aimé, s’il s’effrite, rien ne sert de réclamer des explications, c’est que c’était une illusion d’amour, des mots excessifs auxquels il est bon de croire quand ils passent, mais pour les oublier quand ils s’effacent. Et garder le silence.



23/01/2020
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