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Saint Pétersbourg - Chronique d'une solitude annoncée - Jour 1

Me voici à Saint-Pétersbourg. Seule. 

 

Arriver à Saint-Pétersbourg n’est pas bien compliqué. Chance et malchance à l’aéroport. Entrée administrative sans soucis, bien préparée. Mon sac à dos avec ordi, Ipad etc… oublié près du distributeur d’argent, heureusement un gentil monsieur me l’a signalé pendant que je parlais avec un chauffeur de taxi. Chance du côté du sac, malchance du côté du taxi, je suis bien arrivée à mon hôtel, mais à un tarif que je n’avais jamais lu dans aucun guide, cinq fois plus, et encore parce que j’ai râlé, de toute façon je n’avais pas retiré plus. Ça m’apprendra à être vigilante et à ne pas faire ma fanfaronne…

 

Me poser. Me dire que, finalement, j’y resterais bien la semaine entière au lieu de me mettre la pression, je peux toujours changer mes plans de Moscou, et ici l’hôtel est calme – Hôtel Gogol, ce n’est pas rien ! – et bien situé, la chambre est grande, une suite en fait, de quoi me laisser porter dans de bonnes conditions pendant une semaine. Les jours sont courts dans ce grand Nord en janvier, et j’aime l’idée d’un endroit confortable où passer tout ce temps dont je dispose.

 

L’arrivée est surprenante, pas de neige, un temps gris, on ne se croirait pas en janvier à Saint-Pétersbourg. Pas de quoi, a priori, donner un moral d’acier quand on y arrive seule.

 

Même si je suis habituée à voyager seule, dans différentes zones du monde, cette fois c’est un peu particulier. J’arrive avec une tête très encombrée. Et j’aurais pu ne pas être seule. Mon amie avait insisté pour venir avec moi, puis elle a renoncé par crainte du froid – si elle avait su le temps qu’il ferait – et puis sa santé a posé problème. Mon amoureux – un retour après un départ – m’avait laissé faire toutes les démarches… avant de m’annoncer qu’il ne pouvait pas avoir ses vacances. Premier empêchement dans la série « Chronique d’unefin annoncée », ou Empêchements de dernière minute. Mon billet était confirmé, les dates ne changeraient plus. J’aurais donc une semaine seule. 

 

Lundi.

Après mes déboires de taxi, je décide au petit-déjeuner d’organiser ma première journée, un déjeuner ponctué de sonneries de téléphone tonitruantes, avec les conversations du même acabit, et de sons de notifications eux aussi bruyants, et pourtant nous sommes peu nombreux dans cette grande salle ! Avoir une ville dans les jambes, toujours commencer par marcher, pour découvrir, tranquillement. Je décide donc de suivre les recommandations du gros guide Voir Hachette pour le premier jour, traverser la Neva pour rejoindre la forteresse Pierre et Paul et admirer les dorures de la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul. 

 

Facile, il suffit de suivre le canal qui passe devant l’hôtel Gogol et j’arrive à la Neva. J’ai enregistré le plan Google Maps, tranquille. Je marche, au long du canal, temps gris, très léger crachin ce matin, mais la marche est agréable, la ville calme.

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J’arrive à un pont avec des lions, je me souviens avoir lu quelque chose sur le Pont aux lions, quatre magnifiques lions qui tiennent dans leur gueule les câbles de soutènement du pont. 
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Je continue. Et au bout d’un moment, je reprends mon plan, et m’aperçois que j’ai bien suivi le canal, mais en sens inverse, que j’arriverai bien à la Neva, mais pas du côté de l’Ermitage et de la forteresse, mais du côté des chantiers navals. Pas mal non plus pour une première découverte, surtout par temps gris. Je n’ai qu’à continuer dans ce sens, traverser la Neva et je verrai bien. Le quartier des chantiers navals est aussi dans le guide, et il mérite bien le déplacement. 

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Les grues et tours sur fond gris ont de l’allure. Et comme une erreur peut toujours être profitable, je fais une boucle sans m’en apercevoir, et mon plan m’indique cette fois que je m’approche de la forteresse, je vois l’Ermitage sur l’autre rive. Je vais jusqu’au pont de la forteresse.

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Ma préoccupation depuis un moment est de trouver un distributeur, je n’ai pas un rouble depuis que j’ai tout donné au chauffeur de taxi. Mais pas de distributeurs en vue. Et les kilomètres dans les jambes m’ont donné faim. Je rebrousse chemin, j’irai voir la forteresse un autre jour. 

 

Et je me décide pour ce restaurant étonnant, dans un vieux galion, le Hollandais volant. Vue sur la Neva, et sur l’Ermitage. Tranquille, je suis longtemps la seule cliente avec une armada de serveurs. Je peux me reposer, lire un peu mon guide Lonely Planet sur liseuse, boire un bon thé avant et avec mon plat qui tarde, et me mettre un peu en wifi, qui rame, mais j’ai oublié de poser un repère sur mon hôtel, et comme je n’ai pas un rouble en liquide, il vaut mieux que je puisse rentrer à pied. Un jeune Ivoirien y tient le vestiaire, en livrée rouge de flibustier, il est content de parler français, et que l'hiver soit doux...

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Retour sans encombre, je découvre l’autre côté du canal, plus animé, la place avec toutes les stations de métro, les commerces, une banque, mais le distributeur n’a pas d’argent, je continuerai avec ma carte. Et maintenant j’ai vu où est le métro, j’explorerai, j’ai trouvé les lignes, ce sera moins cher et plus banal que le taxi. Une première journée bien différente de ce que j’avais projeté le matin, 15 km dans les jambes, et le plaisir de m’être laissé porter au gré de mes pas. Et d’avoir laissé ma tête libre d’aller où elle voulait, elle aussi. 

 

Et je jouais à quitte ou double. Arriver seule dans un endroit inconnu peut aussi bien me dynamiser que me faire plonger dans la morosité. Le pari était risqué. Blessée intérieurement d’un amour rejeté, au plan sentimental, banal, au plan maternel, plus profond, j’avais installé le silence, ne rien dire, laisser passer la tourmente. Mais ce mutisme n’implique en rien un silence intérieur. Les mots qui reviennent. Les situations repassées mille fois au moulinet de l’analyse. Les griefs qui alternent avec les excuses, tu as confiance, on a tous ses défauts, mais ce qui prime ce sont les qualités, l’affectif, ta bienveillance naturelle dont tu ne peux pas te départir, alors, les excuses, toujours les excuses, pour les autres. Pour toi, si tout ça t’arrive c’est que tu dois bien le mériter un peu. 

Et oups, dès l’arrivée, une fenêtre s’ouvre dans ma tête. Bon, pas à cause du soleil. Mais mon discours intérieur s’inverse, comme s’il avait décidé d’un coup de me redonner un peu d’air et de m’aider à tourner les pages. Me concentrer sur ce qui m’arrive, sur ce que je vois, me rendre disponible, ne pas fermer les aiguillages. Et écrire pour évacuer ce trop-plein. 

 

 

 

 



20/01/2020
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