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Histoire de glaces

-       Hep, toi, là-bas !

La rue est calme en ce milieu d’après-midi. Une voiture circule au ralenti, carrosserie grise, neutre, elle évite de klaxonner quand un chat traverse imprudemment. Une jeune maman parle avec sa fillette, dans la poussette son bébé tente de petits cris pour rappeler sa présence. Des ouvriers remettent en état une gouttière sur le toit d’une des maisons, prudence raisonnable, le beau temps qui règne depuis un mois ne durera pas toujours.

-       Hep, toi, là-bas ! Oui, toi !!!

La jeune femme se retourne, personne d’autre dans la rue. C’est pour elle ? Qui peut bien la héler ainsi ? Et la tutoyer ? Non, mais c’est incroyable…

-       Oui, toi, viens là !

Sur le trottoir, une femme hurle. Sur le trottoir de ce glacier où la jeune femme va souvent, dès que la fillette s’écrie, à la sortie de l’école : « Je mangerais bien une glace ! », sa mère ne se fait pas prier, les glaces y sont bonnes. Les ouvriers s’interrompent une seconde, visiblement surpris par la stridence des hurlements. La jeune mère se retourne :

-       À qui parlez-vous ? Pas à moi, je suppose…

-       Mais si, bien sûr, y a personne d’autre dans la rue que je sache !

La jeune femme s’est rapprochée du trottoir, du glacier, de la hurleuse…

-       Mais, qu’est-ce qui vous prend de me crier dessus ? et de cette façon ? qu’est-ce que je vous ai fait ?

-       « Qu’est-ce que je vous ai fait ? », trop facile, mon employé t’a reconnue, formellement identifiée…

-       Mais vous êtes la police, ou quoi ? Et qu’est-ce qui vous prend de me tutoyer ? Est-ce que je vous tutoie, moi ?

Le bébé commence à trépigner dans la poussette, il a de plus en plus envie de rappeler sa présence, et la tension qu’il perçoit l’engage fortement dans cette voie.

-       Je vous tutoie parce que c’est quand même incroyable, votre gamine casse mon comptoir et vous partez comme ça, sans rien dire. Ça fait une semaine qu’on vous guette…

-       Comment ça, ma fille n’a rien cassé, qu’est-ce que vous me racontez ?

-       Jeudi, vous êtes venue avec votre fille, elle a cassé le côté du comptoir pendant que vous attendiez vos glaces, vous n’avez rien dit, mon employé s’en est aperçu après votre départ, il n’a pas pu vous rattraper.

-       Nous rattraper ?

-       Mais oui, il faut bien payer la réparation, ce n’est quand même pas moi qui vais payer pour vos bêtises. Si tous les clients faisaient comme vous, je n’aurais plus qu’à fermer boutique !

-       Mais on n’a rien cassé, ce n’est pas de ma faute si votre comptoir est vieux et abimé et si les morceaux tombent quand on les touche. Ma fille a à peine mis la main sur le bord que la plaque s’est détachée. Vous trouvez ça normal ?

-       Ce que je ne trouve pas normal, c’est que votre fille casse mon comptoir, que vous partiez sans rien dire ni proposer de payer, et que maintenant vous faites semblant d’avoir tout oublié.

L’employé regarde ailleurs, au loin. Un couple, avec chacun un cornet à la main, observe la scène ; l’homme est ébahi ; le regard de la femme va de la poussette à la fillette qui se met à pleurer :

-       Mais maman, j’ai rien cassé, j’ai rien fait, le truc il était déjà cassé quand j’ai mis la main dessus, je t’assure, j’ai rien fait…

La petite fille hoquète, elle a du mal à reprendre sa respiration, la dame à la glace lui tend un mouchoir en papier :

-       Mais vous n’avez pas honte, Madame, de faire pleurer un enfant ainsi, à quoi ça ressemble ? Vous croyez vraiment que cette petite fille toute menue, qui ne m’a pas l’air particulièrement musclée, serait à même de démonter la façade de votre comptoir ? Franchement, vous abusez…

Le bébé hurle, sa sœur s’essuie avec le mouchoir tendu par la cliente, regarde sa mère, pas rassurée.

-       Bon, venez, les enfants ; j’en ai assez entendu pour aujourd’hui. Ne comptez pas sur moi pour entrer dans votre petit jeu. Nous faire payer votre comptoir pourri… Trouvez d’autres pigeons pour passer vos nerfs, vous ne nous reverrez plus.

-       Nous non plus, traiter des clients de la sorte !

Le couple sort derrière la jeune maman et ses enfants.

-       Dommage, elles étaient bonnes les glaces, ici !

 



23/01/2017

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